SCIENCES ET CONSCIENCE
Mêlant design, art, et technologie, Mathieu Lehanneur distille une certaine touche de magie à travers ses créations.
Architecture, ameublement, objets, décors, accessoires… Sa production est plurielle. Concrète mais résolument poétique. Avec lui, le design s'intègre dans le réel. pour mieux le transcender.
"Designer de l’année 2024 Maison&Objet"
Voilà une récompense à la hauteur du projet créatif de Mathieu Lehanneur. De sa Factory d’Ivry-sur-Seine à son espace d'exposition New-Yorkais, le créateur français fait vibrer les lignes de la discipline à travers son approche conceptuelle empreinte de science et de conscience. Il est de ceux qui croient que le design a un rôle fonctionnel certes, mais également une force symbolique transcendantale.
Il jette, pour nous, un regard sur son actualité et partage sa vision.
L’année 2024 est-elle votre année ?
Mathieu Lehanneur : Je ne sais pas. J’aime à croire que c’est une continuité, ou bien le début de quelque chose. J’ai un regard sinusoïdal sur ma carrière. Parfois je suis fier du chemin parcouru, parfois je me dis qu’il reste encore tellement à faire ! Il y a en effet la flamme Olympique, la vasque, l’ouverture de la Factory, Maison&Objet, mais aussi l’ouverture de notre premier pied à terre à New York. C’est le nom de code que l’on donne au penthouse que nous ouvrons à Manhattan, complètement aménagé avec nos pièces. L’Amérique c’est plus grand, plus vite, plus fort. Un symbole pour moi.
Vous êtes l’un des rares à avoir créé une marque à votre nom. Est-ce important de créer en toute liberté ?
M. L. : C’est le rêve. On a un œil sur tout. Évidemment, il y a toujours des choix à faire, des arbitrages techniques, budgétaires… Mais on est seul à décider. C’est la meilleure façon, selon moi, de faire germer une idée. Une idée, c’est comme une graine. Pour la faire pousser, elle doit grandir dans de bonnes conditions. Sous une serre bienveillante.
Design, art, technologie… comment définissez-vous votre approche du design ?
M. L. : Pour moi il faut toujours revenir à ce que nous sommes, des êtres humains. Alors oui, l’objet doit être utile, fonctionnel. Mais l’humain a aussi besoin de transcendance, de magie, d’extraordinaire. En matière de design, je vais là où j’estime qu’il est légitime d’aller. Certaines de mes pièces vont être très fonctionnelles, voire habitables, d’autres plus artistiques.
Cela transparaît dans plusieurs de vos créations. Comment le design peut-il se mettre au service du sport, du mouvement, de la dynamique selon-vous ?
M. L. : Cette année a été particulière en la matière, avec le design de la torche et de la vasque olympique. Deux objets s’inscrivant dans le domaine sportif, mais qui ne sont pas des objets de sport pour autant. On est là dans le symbolisme, presque le liturgique.
Pour moi le sport est passionnant mais pourrait contraindre le design à de la fonction avant tout.
De la performance, de l’efficacité. Cependant quand on pense au design de baskets par exemple, on se rend compte qu’il peut aussi agir comme quelque chose qui va vous donner le sentiment d’aller plus vite. Et cette simple conviction peut agir sur la performance. Le design d’un objet sportif peut lui aussi être porteur d’un message pour son utilisateur.
Que pensez-vous de l’usage de l’IA dans la création ?
M. L. : Je n’utilise pas l’IA, ou alors très peu. Aujourd’hui j’ai le sentiment qu’elle est conçue pour faire une sorte de résumé des choses. Un mix de l’existant, une parfaite moyenne, un moodboard géant et historique. Mais mon métier n’est pas une synthèse.
Tant que l’IA ne sera pas capable de surprendre, elle sera mauvaise.
Quel rôle a le designer aujourd’hui dans la société ?
M. L. : Le designer peut aller partout, encore faut-il qu’on y invite. J’ai travaillé dans une église. Parce que j’y ai été invité par le curé. Si on considère que le design est le chaînon manquant entre l’être humain et la chose, alors il n’y a pas de limites. Je n’ai pas d'a priori. Tout dépend du commanditaire et de l’ambition qu’il y a derrière. Pourquoi ne pas un jour dessiner des sanitaires s'il y a une légitimité, une idée forte, une technologie nouvelle au cœur du projet, et non pas un objectif simplement pécuniaire.
Crédits photos : Mathieu Lehanneur, Rudy Waks, Leandro Viana, Felipe Ribon