DESIGN, SET ET MATCH
Le prestigieux designer allemand scénarise l’exposition MATCH, du 13 mars au 11 août 2024, au musée du Luxembourg (Paris). Une rencontre entre design et sport à travers le prisme du futur, habillement tombée à pic dans cette année si sportive.
Konstantin Grcic, dont certaines créations font partie des collections permanentes du Musée d’Art Moderne et du musée des Arts décoratifs (Paris), a eu toute au long de sa carrière une approche très fonctionnaliste du design. Son style radical, pur, direct, simple, mais jamais minimaliste le singularise. Habitué des expositions, il en organise pour ses créations, ou, comme ici, pour partager un point de vue, sans qu’aucune de ses œuvres ne soit exposée.
Il nous partage aujourd’hui sa vision.
Vous êtes le commissaire et scénographe de l’exposition MATCH, dédiée aux liens et au futur du sport et du design au Musée du Luxembourg (Paris). Parlez-nous de cette exposition.
Konstantin Grcic : La réunion des Musées Nationaux voulait organiser une exposition dédiée au sport dans le cadre du programme Olympiade Culturelle. L’exposition que j’ai écrite retrace la relation entre les deux thèmes et se projette vers le futur. Le design sportif aide les athlètes à être performants : meilleurs, plus rapides, plus en sécurité, mais aussi plus inclusifs. Il aide aussi les sportifs à se réinventer. Le sport est une industrie très dynamique, toujours en progrès, tournée vers l’amélioration. Le design participe à cela. Ce qui peut être paradoxal, car dans d’autres secteurs, le design peut être presque conservateur, en nous rassurant par des codes que l’on connaît bien et que l’on recherche. Notamment dans le domaine de l'ameublement. Une même personne peut chercher l’avant-garde dans son équipement sportif à travers le design, et la réassurance dans les lignes de son mobilier.
Le sport a-t-il une place dans votre création en tant que designer ?
K. G. : Le sport était mon premier professeur de design ! Enfant, j’étais obsédé par les équipements sportifs. J’en étudiais les catalogues. J’en ai beaucoup appris, et cela infuse dans mes créations, même inconsciemment. Le design sportif est très fonctionnel. Il a besoin d’être performant, logique. à la fois dans sa forme, sa structure, et la façon dont il est fabriqué. Cela crée un langage très rationnel mais très dynamique. Evidemment, cela n’est pas pareil dans le mobilier. Même si une chaise doit être performante à sa manière et fonctionnelle, elle aussi. On doit pouvoir bouger dessus, s’y sentir bien. Tout cela donne une clé de lecture très psychologique de l’impact du design sur notre ressenti. Et c’est très valable dans le sport. Si je porte des chaussures designées de telle manière, je vais avoir le sentiment que je peux aller plus vite.
Nombreuses assises, mais aussi lunch box, chasse d’eau, sac, montre, habillement… intégrer le design dans le pur quotidien, le rendre accessible, semble être important dans vos choix de projets et de collaborations…
K. G. : C’est la raison pour laquelle je suis devenu designer. J’aime que le design soit si proche de notre quotidien, des gens. Le design est pour les gens. Le design fait partie de la culture. Comment on vit, avec quoi, comment cela représente notre vie. Adresser ces questions est une motivation importante pour moi.
Votre parcours de designer s’inscrit dans la durée. Quel regard jetez-vous aujourd’hui sur vos premières années ?
K. G. : Mes premiers projets me semblent loin. Et je ne parle pas que du nombre d’années qui nous séparent. Il n’y avait pas d’ordinateurs quand j’ai commencé. De nombreux outils n’existaient pas alors. La société a complètement changé. La digitalisation a transformé notre vie, sa vitesse, sa complexité, le nombre d’informations qui nous submergent, nos habitudes. Avant, quand j’allais travailler, j’allais au bureau, je m'asseyais à ma table. Aujourd’hui pour travailler, on a juste besoin d’un accès à internet. C’est une grande opportunité, une grande liberté. Mais cela crée aussi des problèmes, auxquels nous sommes tous familiers.
Quelle place tient la transmission dans votre vie de designer aujourd’hui ?
K. G. : Pendant longtemps, je n’ai pas enseigné. C’était un choix. Je voulais me concentrer sur ma pratique. Mais cela n’était pas un refus de partager, parce que dans mon studio, je considère que mon rôle est de transmettre ce que je sais à mes collaborateurs. C’est une forme de partage de savoirs, d’expériences. En 2020, j’ai accepté un poste de professeur à Hambourg, car je voulais assumer mes responsabilités. Je devais rendre ce qu’on m’avait donné quand j’étais moi-même plus jeune. Mais cela n’était pas ma seule motivation. Avec les années, je vais avoir 59 ans, j’ai besoin de rester au contact de la jeunesse, pour écouter, apprendre, et être inspiré par la jeune génération.
Crédits photos : Konstantin Grcic, Plank, Myto, Flos, Mayday, Tom Vack, Didier Plowy pour le GrandPalaisRmn 2024